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Félix Neff, l'apôtre des Hautes Alpes

"L'histoire de Félix Neff n'est pas seulement
l'histoire d'un grand serviteur de Dieu...
mais aussi une raison d'espérer dans ce monde déshumanisé
où les évènements ne sont plus à l'échelle de l'homme". 

De Genève à Mens

 

Félix Neff est né à Genève le 8 octobre 1797. Après des études rapides, il est apprenti à 13 ans chez un jardinier-fleuriste : à 16 ans il compose un traité sur "la culture des arbres de haute futaie". A 19 ans, il s'engage dans la garnison de Genève et devient sergent d'artillerIe. Il intervient avec la troupe pour protéger les dissidents du Bourg de Four, rencontre César Malan et se convertit. A son tour, il participe au colportage des "livres saints" dans les environs de Genève et prêche le "réveil" sur les rives du Léman.

Il est appelé à Grenoble par le pasteur César Bonifas qui est en train de recréer une communauté évangélique dans cette ville. Il y restera 4 mois. A l'automne 1821, il se fait remarquer "par son zèle, sa piété et par ses prédications admirables". Convaincu, il était absolu sur les vérités fondamentales de la foi.

En décembre 1821, il répond à la demande des pasteurs de Mens en Trièves, la "Petite Genève des Alpes" au XVlle siècle, et il y passe près de deux ans. Il veut réveiller cette paroisse où 1200 personnes fréquentent les cultes. Il est catéchète et utilise des méthodes d’évangélisation originales ; il entraîne des conversions en grand nombre, surtout parmi les adolescents et les jeunes adultes : les mentalités se transforment. Ce "réveil" s'étend à plusieurs villages et hameaux du Trièves.

L'un des deux pasteurs, André Blanc, le soutient, mais à la suite d’une cabale, Félix Neff est obligé de quitter Mens pour aller dans les Hautes-Alpes. Auparavant il va à Londres en 1823 et reçoit la consécration pastorale dans la chapelle de Poultry.

 

Dans les Hautes-Alpes

 

II n'y a personne pour desservir le vaste territoire qui couvre la région du Queyras et la Vallée de Freissinières. Cette vallée a été un refuge pour les Vaudois. Durant presque quatre années, d'octobre 1823 à avril 1827, Félix Neff prend en charge ces régions de montagne aux accès difficiles.

Il y fait preuve d'une prodigieuse activité pastorale, il parcourt à pied de 1600 à 1800 km. par an et ne se couche pas cinq nuits de suite dans le même lit. Par la suite, lorsque l'église sera réorganisée, 4 pasteurs se répartiront le travail qu'il aura accompli seul pendant 3 ans et demi. Il prêche également le "réveil" dans les vallées du Piémont.

"L'œuvre d'un évangéliste dans les Hautes Alpes ressemble fort, a dit Félix Neff, à celle d'un missionnaire car le peu de civilisation que l'on y rencontre est plutôt un obstacle qu'un secours. De toutes les vallées que je visite, celle de Freissinières est la plus reculée. Il faut tout y créer, architecture, agriculture, instruction, tout y est dans la première enfance".

Félix Neff est non seulement prédicateur et évangéliste mais aussi instituteur et chef de travaux: il prend pour modèle le pasteur Jean Frédéric Oberlin du Ban-de-la-Roche. Il y a beaucoup de jeunes et d'enfants à instruire. Faisant venir deux instituteurs du Queyras, il décide les gens de Dormillouse à construire une école pour les enfants, actuellement le Gîte de l'Ecole.

Félix Neff installe aussi une "école modèle" pour former des instituteurs : ce sera, en janvier 1825, la première "école normale" de France qui ouvre ses portes à Dormillouse. Elle se trouve à l'arrière de la "Maison dite de Félix Neff", dans la partie qui s'est effondrée vers 1930. Un an après, en janvier 1826, elle répondra à un double besoin : instruire les enfants et aussi préparer les jeunes pour qu'ils deviennent des "régents". C'est ainsi que pendant deux ans, une "école modèle" fonctionnera sans subventions à 1785 m d'altitude.

L'enseignement de Félix Neff couvre la lecture, l'écriture, la grammaire, la géographie, "l'arpentage" et même la musique. Une atmosphère si fraternelle régnait dans les écoles que longtemps après, on reconnaissait ceux qui y avaient été.

 

Un véritable apôtre

 

Félix Neff aura réussi à recréer une communauté spirituelle vivante. L’essor de la vie religieuse est inséparable des transformations de la vallée : Le service auquel Félix Neff est appelé ne peut pas sauver seulement l'âme. "J'avais remarqué, dit-il, qu'on n'avait point à Dormillouse l'usage d'arroser les prairies et, les voyant desséchées, j'avais dit aux habitants en leur montrant leur ruisseau, vous faîtes de cette eau comme de l'eau vive de la grâce".

Il exhorte donc les gens de Dormillouse à refaire les canaux qui avaient existé autrefois. Malgré le manque d'enthousiasme, il les convoque, les dirige, et à la fin de la journée, à l'étonnement de tous, le premier travail est terminé, l'eau arrive à la prairie. Le lendemain, l'eau est répartie dans les champs et il faut toute l'autorité du pasteur pour que certains acceptent de laisser passer les rigoles dans leurs champs.

Il apprend à ses paroissiens à buter les pommes de terre, ce qui en augmente la production. Il enseigne aussi à assainir les étables et à tailler les arbres.

Mais ce n'est pas impunément qu'un homme expose son corps à toutes les fatigues sans lui accorder les soins nécessaires. Félix Neff commence à sentir dès 1826 les atteintes d'un mal douloureux : il souffre de l'estomac, ne s'étant nourri pendant des années que de viandes salées, séchées, vinaigrées, de soupe et de fromage fort.

Félix Neff retourne à Genève en juin 1827 et là, le médecin diagnostique ce que l'on appellerait aujourd'hui un cancer.

Sa maladie est un exemple de patience et de fidélité. Il fait écrire sur un papier fixé au mur en face de lui, à côté d'une strophe de cantique, la parole de Jésus rapportée dans l'évangile de Jean : "Celui qui croit en moi a la vie éternelle". Il l'appelle "son passeport".

Celui qu’on appelle "l'Apôtre des Hautes-Alpes" meurt, épuisé, à 32 ans, le 12 avril 1829.

 

Tel était cet homme

 

qui ne fut jamais pasteur en titre,
qui fût calomnié et parfois l'objet de campagne d'hostilité,
qui attendit une nomination qui ne vint jamais,
et qui pourtant fût le modèle des pasteurs.

 

L'après Félix Neff

 

Son œuvre est poursuivie par la "Société Evangélique de Genève" et par le "Comité protestant de Lyon", fondé an 1856, qui prend en charge les écoles de la vallée de Freissinières.

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